25 ans après le décès de Norbert ZongoINVESTIGATION 

Burkina Faso: 25 ans après, cet ami inoubliable, Norbert Zongo

Le matin du 14 décembre 1998, le 1er journal de la radio France internationale annonce en titre : << violentes manifestations hier à Ouagadougou suite à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo >>. 

J’ai crié le nom de ma femme en sautant du lit. j’ai poussé ce cri de douleur, et de colère : <<  ils ont tué Norbert >>.

De sa chambre, Diby mon neveu m’a rejoint au salon, et toute la maisonnée est entrée en pleure. Tonton Gouama, répétait en sanglot Diby qui l’appelait du surnom de l’héroïne de son premier roman « le parachutage « .

En pleure, j’appelle aussitôt sur la ligne téléphonique de son domicile à Ouagadougou. C’est sa femme qui décroche. C’est quoi cette histoire ma chérie, c’est Georges depuis Abidjan, lui dis-je.  << C’est ce que vous avez entendu, ils l’ont tué avec ses frères >>.

J’étais vide de toute énergie et je ne me souviens plus de ce que j’ai pu dire avant de raccrocher. 

Je reprends le combiné pour composer cette fois le numéro du cousin à Norbert, mon ami, maître Hermann Yaméogo. Il portait la charge du deuil depuis hier 13 décembre quand la ville est parvenue dans la ville. Sa voie est à peine audible. Pour clore nos lamentations je lui dis que dés 8H, j’irai prendre un billet à Air Ivoire pour atterrir à Ouagadougou dans un meilleur délai. Je veux participer à l’enterrement de ce qui reste du corps de Norbert. 

<< ne viens pas ici Georges, tu ne seras pas en sécurité >> me dit-il. 

Normalement, mon départ à Ouagadougou était prévu pour le 18 décembre sur invitation de Norbert et nous devrions passer la fête de Noël dans son ranch de chapouilli en compagnie de l’envoyé d’une ONG américaine qui lui a promis une centaine de millions de francs CFA pour la modernisation du ranch. 

Cinq jours de plus et nous aurions pu périr avec lui. 

Toute la journée de ce 14 décembre j’ai maugré : << comment peut-on décider d’éliminer un intellectuel à la fois patriotique et panafricain ? Homme hautement cultivé, humainement vertueux Norbert était de cette espèce rare dont l’Afrique a besoin. Fortement enrichi de son séjour d’étudiant au Cameroun et au Togo où il a échappé de justesse à la police du puissant président le général Eyadema, il avait cet art des grands hommes de dire des vérités sans hausser le ton. Ses démêlés avec la police togolaise donnaient la chair de poule à l’auditeur. Un vrai quiproquo qui aurait pu lui coûter tout simplement une disparition. Je vous raconte. 

En effet, en séjour d’études à Lomé, il tentait de publier son premier livre sous le titre le parachutage qui raconte l’histoire d’un coup d’Etat militaire dans un pays africain.  Il a expédié le manuscrit aux éditions clés à Yaoundé au Cameroun. Très séduit par le rapport du service lecture la direction adresse un courrier de félicitations à l’auteur suivi d’un draft du contrat d’édition. 

Une fois le courrier arrivé à Lomé, les services secrets togolais prennent connaissance du contenu. De quoi donc ce livre écrit à partir de leur pays va parler.  Ils décident de le savoir. 

Comme toute bonne police des services secrets et de surveillance du territoire, elle joue  le rôle de l’auteur et adresse un courrier à l’éditeur pour renoncer à la publication du livre. Le faux présumé auteur signataire renonce au projet de publication et exige que l’on lui ramène son manuscrit. Une fois le manuscrit reçu, la police fait le rapprochement avec le régime du général et décide  ce que l’on peut imaginer de ce régime militaire.  Il faut arrêter ce jeune étudiant. Norbert est informé par un pur hasard de la décision  de la date où il devait être arrêté. En début d’après midi du jour indiqué, il réalise qu’il est pris en filature. Vers 18H30, il se rend au cinéma, se faisant bien visible avant d’entrer dans la salle. Quelques minutes après le commencement du film il sort de son sac une tenue de rechange et sort discrètement de la salle et se rend directement à la frontière du Ghana qu’il trouve fermée. 

Dans un autre maquillage digne d’un film pollar.  De sa cachette il assiste aux vat et  vient des policiers et gendarmes qui patrouillent depuis la bordure de la mer jusqu’aux alentours des barraques et autres maisons et bars et leurs populations de belles de nuit. Dès l’ouverture de la frontière le matin, il réussit à poser les pieds en territoire ghanéen après avoir déjoué le piège des policiers togolais. Ils vont essayer  en vain de convaincre la police ghanéenne de le leur remettre. Connaissant la perspicacité de la police togolaise pour atteindre une cible, les gendarmes ghanéens escortent le jeune homme et le remet à l’ambassade du Burkina Faso à Accra. Négligemment laissé dans la cour de la chancellerie il a échappé de justesse à un enlèvement la nuit. Finalement il est ramené au Burkina mais directement à la maison d’arrêt de Ouagadougou. 

Norbert Zongo aimait les défis et la vie lui en servait. Un peu comme Fela Kuti père du Nigeria, qui dit porter  la mort dans sa besace, il avait une grande conscience du danger de mort qui le guettait. 

<< Moi, on peut me tuer à tout moment Georges mais, dans ton pays les ivoiriens ont encore le respect de la vie humaine, ne laisse pas ton courage s’endormir fais tout pour reprendre ton magazine panafricain.

Quant à  cette proximité avec la  mort, après plusieurs tentatives d’enlèvement et de menaces de mort, le guet apend du 13 décembre 1998 lui a été fatale avec atrocité inimaginable. Criblé de balles et brûlé vif avec ses deux jeunes frères. 

Après plus de dix années de deuil, j’ai dit un jour :<< Si Dieu permet la libre conscience de faire ou ne pas faire le mal, c’est que chaque choix à un salaire ; les tueurs de Norbert Zongo auront leur salaire>>.

Norbert lui, calciné a certainement la meilleure sépulture qui soit, selon le philosophe qui a écrit que le meilleur tombeau des morts se trouve dans le cœur des vivants. Immortalisé en plusieurs symboles, il restera à jamais dans nos cœurs. De son vivant, il m’attendait chaque fois que j’arrive à Ouagadougou et me conduisait, avec sa moto au départ et plus à bord de sa voiture, à l’hôtel Nazemsé de mon homo Georges Ouédraogo. Je lui retournais la même politesse et je lui gîte et couvert.  Norbert était plus qu’un ami, un frère. Il n’était pas un simple citoyen du Burkina Faso, il était un vrai patriote africain. Pour sûr, Norbert Zongo est au bon endroit au panthéon africain. Chaque 13 décembre, comme depuis 25 ans, j’aimerais bien que cela soit un simple cauchemar. Mais hélas !

Dors en paix Norbert, martyr de la liberté, tes qualités et ton courage sont reconnus par tous ceux qui t’ont connu et ceux qui vont reprendre le chemin de la lutte car tu es enseigné dans ton pays et toute l’Afrique à la recherche de la vraie liberté et qu’est-ce qui prouve que tu n’as pas retrouvé Thomas Sankara?

Je ne voudrais pas prendre le temps de ceux qui prendront la route de cette lecture, sinon, sur toi, mon cher ami, je garde trop de souvenirs, mais ce journal me permet de relater un pan de ma souffrance interne car, ta disparition est une souffrance pour moi. Mais que dire, tu es parti, sois le même de là où tu es en ce moment et que ceux qui te voient, se disent que tu es être rare, mais que la mort t’a encore immortalisé, comme une marque déposée. Norbert, mon cher frère Norbert, ce prénom me reste comme un paragraphe inachevé. Après ta guérison, reprends ton combat.

Tu sais que tu as inspiré même le grand Alpha Blondy qui t’a rendu le plus grand des hommages ?

Georges Amani 

Journaliste indépendant 

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